Alain ne vous parlera pas très longtemps.

Si vous le connaissez un peu, il se permettra quelques surprenantes remarques qui rendront dérisoire la moindre mondanité. Le comique triomphera mais lui, imperturbable, gardera son sérieux.

C’est qu’il attend et qu’il cache fort bien son impatience de rejoindre le ventre de son atelier où se tapissent

ses complices : la lourde presse typographique qui a pris racine dans un sol de béton conçu pour elle, le vélin velouté, l’encre fluide et grasse, les caractères de plomb que la pulpe de ses doigts reconnaît sans qu’il doive les décrypter, le métal ou le bois qu’il grave méticuleusement en prolongeant le seul art véritable. Celui qui traverse les siècles et qui s’impose au fil du temps, sûr de lui, surpris d’être soudain reconnu par quelques critiques ou commères de l’histoire qui caquettent sur son importance.

Mais l’Art s’en fout. Et Alain aussi !

Il se protège le ventre de son gros tablier maculé d’encre typographique, il saisit la gouge, polit la plaque de cuivre, jouit de la fluidité parfaite d’un vernis mou. Dans sa solitude ou la complicité d’un artiste frère car il aime partager le vrai plaisir, il se satisfait d’avoir intégré l’alchimie des matières, la pensée et le geste, les angoisses et leur dépassement, la résistance créative dans laquelle il entraîne avec simplicité les écrivains, les peintres, les élèves qui ont la chance de le rencontrer.

De tout cela, Alain ne vous parlera pas ou en rira peut-être.

Mais dans le silence, il ira vers l’essentiel: il crée !


Dominique Maes

Le 23 juin 2005

 

À Alain Regnier